Auguste-Hyacinthe DEBAY (1804-1865)
Le Premier berceau
1845
Plâtre patiné, signé et daté
H. : 61 cm.
En 1845, Auguste-Hyacinthe Debay, propose au Salon une sculpture qui sera vite considérée comme son chef d’œuvre : Le Berceau primitif (N°2070).
Ce haut bloc de marbre blanc séduit immédiatement le public et convainc les critiques les plus féroces. Charles Baudelaire commente dans son ouvrage consacré à l’exposition : « c’est un peintre qui a fait un groupe charmant, Le Berceau primitif – Eve tient ses deux enfants sur un genou et leur fait une espèce de panier avec ses deux bras. La femme est belle, les enfants jolis – c’est surtout la composition de ceci qui nous plaît […] ». Théophile Gautier ne tarit pas d’éloge non plus : « toute cette composition se ramasse et se concentre avec un bonheur extrême, présentant de tous côtés des lignes d’une grâce harmonieuse. M. Debay a manié la brosse avant de toucher le ciseau ; on le devine à un sentiment pittoresque que n’ont pas habituellement les statuaires ». Le groupe vaut à son auteur une médaille. Exposé à nouveau lors de l’Exposition Universelle de 1855 (N°4314), il est acheté par l’un des plus grands collectionneurs de l’époque, le prince Anatole Demidoff. Il orne bientôt son palais toscan de San Donato, avant d’être vendu avec le reste des collections le 15 mars 1880 (lot 135).
Aujourd’hui disparu, l’oeuvre n’est connu que grâce aux quelques plâtres d’atelier qui ont survécu, puis aux retirages posthumes qui ont été exécutés. En effet, outre le marbre exposé au Salon, Debay conserve le plâtre lui ayant servi de modèle, et quelques autres encore, qu’il destine aux institutions pour faire valoir son oeuvre ou à ses proches comme témoignage d’amitié.
Ainsi nous connaissons :
– Le plâtre originel conservé au Musée David d’Angers sous ne numéro d’inventaire MBA 35 J 1881S
- Un plâtre de même grandeur offert par l’artiste et toujours conservé par les musées royaux de Bruxelles après son exposition au Salon des Beaux-Arts de Bruxelles de 1845 (N°127)
- Quelques plâtres, vraisemblablement moins d’une dizaine, sont de taille inférieure, et proviennent de l’atelier où ils ont été réalisés par Debay. Ils mesurent environ 60 cm, sont signés et datés 1845. L’un fit partie de la collection de l’historien de l’art H.W. Janson à New York, un autre est conservé au château de Nemours. La fragilité du matériau explique aussi la rareté des exemplaires comme le nôtre.
Il est à noter que lors de la vente de l’atelier, en mai 1865, figurait au catalogue le plâtre aujourd’hui dans les collections publiques d’Angers (lot 55), ainsi que « deux réductions » qui pourraient tout à fait correspondre à notre exemplaire (lot 56)
Le succès du Berceau primitif ne s’arrêta pas avec la mort de Debay, bien au contraire. Les fontes posthumes de Barbedienne et les plâtres portant le cachet « Salvator Marchi, MD et Editeurs de Me Pradier, Bapts » constituent la majeure partie des tirages mais ne sont pas des originaux.
Notre sculpture est un des rares exemplaires originaux encore en mains privées. Elle permet de redécouvrir un des sommets du romantisme en sculpture. Cette vision originale de l’artiste de la première tendresse maternelle, ce choix de représenter, non pas le drame du premier fratricide mais l’innocence du premier âge a beaucoup marqué les contemporains de Debay. Les différents niveaux de lecture, la beauté d’Eve qui n’est pas sans rappeler la douceur des Madones de Michel-Ange, le symbolisme riche de ce groupe expliquent également son succès. Debay, fils de sculpteur et auteur à 13 ans d’un premier buste royal s’était ensuite engagé dans une carrière de peintre grâce à son maître le baron Gros. Avec Le Premier berceau il inscrit définitivement son nom au rang des grands sculpteurs du XIXème siècle.
VENDU