Eugène Vincent VIDAL (1850-1907)

Portrait d'une enfant

Fusain et craie. Signé en bas à gauche

24,5 x 40 cm.

Exposition: vraisemblablement Société des arts de Nantes, janvier 1900, n°251


UN PORTRAIT PRÉSUMÉ DE SA FILLE

Notre dessin, récente redécouverte pour le mince corpus d’un l’artiste mort prématurément, est très vraisemblablement un portrait de sa fille. En effet, nous retrouvons plusieurs fois ce modèle jeune et familier dans l’oeuvre de Vidal. La forme particulière du visage, le menton pointu, la coupe de cheveux selon les âges se retrouvent sont en effet des caractéristiques communes à plusieurs portraits :

  • Celui en pied, à la robe rouge, vendu chez Christie’s, Londres, 13 juillet 2017, lot 122
  • Celui en buste, au chapeau noir, Sotheby’s, Londres, 5 novembre 1998, lot 56
  • Et enfin, celui conservé au Musée du Petit Palais, réalisé quelques années plus tard,  pastel titré « Ernestine », sur lequel notre modèle porte un foulard rouge. (Inv. PPD3560)


NOTRE DESSIN

Il se singularise par l’emploi du fusain, médium moins commercial que le pastel et l’huile, mais qui révéla Vidal comme un grand artiste quand il exposa avec les maîtres de l’impressionnisme, puis au Salon des Artistes français.

Ici la maîtrise technique est particulièrement remarquable. La lumière qui vient de la fenêtre vient frapper par le côté droit cette jeune fille méditative.

Elle insiste sur le visage et les mains. La gauche s’abandonne, pendant du dossier de la chaise, la gauche tient encore le livre délaissé.

L’artiste immortalise ce moment singulier d’un esprit absorbé par la réflexion, Ce moment intime qui voit l’esprit s’évader et le corps rester. Cet antagonisme absence / présence donne à ce portrait sa force et sa poésie.

Point de sourire ni de coquetterie, pourtant fréquents sur les visages de Vidal. Ce fusain annonce la transition vers la dernière phase de production de l’artiste, davantage marquée par le symbolisme.

L’esthétique de notre dessin évoque également le paragone moderne qui oppose ou compare à la fin du XIXème siècle photographie et portrait au crayon.

Notre portrait, à l’esthétique proche des réalisations pictorialistes, se veut également une démonstration de la supériorité du dessin, et de sa capacité à imiter, rivaliser, et surpasser la photographie.

Un des arguments de cette démonstration tient à l’emploi de matériaux gras, riche, et déposés, fusain comme craie, avec abondance sur un papier de couleur kraft, témoignant du plaisir de l’artiste à coucher sur le papier l’image de sa fille.

Nous croyons deviner à l’arrière-plan, comme sur le portrait à la robe rouge, la mer à Cagnes, où l’artiste acheta comme Renoir une maison.


VIDAL

Ancien élève de Gérome, Vidal débute sa carrière en 1873 au Salon, avec un portrait au fusain. Ami de Degas qui vantait ses talents de portraitiste, il participe deux fois aux exposition impressionnistes. Il obtiendra une médaille à l’Exposition Universelle de 1900.

Les musées des Beaux-Arts de Paris, de Lille, de Tours, conservent des oeuvres de l’artiste. Notons, pour compléter le portrait de famille, le portrait de Madame Vidal conservé au Musée de Quimper. (Inv. 55-56) Amie de Colette, Marie-Léonie, née Devoir, publia sous le nom  de plume Henry de Lucenay.

 

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