Hans Friedrich SCHRORER (actif vers 1609-1649)
Quis evadet ?
Premier tiers du XVIIème siècle
Encre à la plume et au lavis, et trait de crayon ; cadre hollandais dans le style du XVIIème siècle
12 x 16,5 cm.
« L’existence est fragile, il est vain de s’y attacher et de s’en griser car elle éclate comme une bulle de savon. » Dès les premières publications des Adages d’Erasme, l’iconographie de l’Homo Bulla devient un thème cher aux humanistes de la Renaissance. Evocation de la vanité des désirs terrestres, allégorie de la fragilité et de la fugacité de la vie ici-bas, le sujet trouve avec Hendrik Goltzius son premier illustrateur, qui grave en 1594 sa fameuse vignette Quis Evadet? (Qui sera épargné?).
Largement repris en Flandres, aux Pays-Bas et jusqu’en Italie, cette représentation de l’enfant assis sur un crâne et soufflant des bulles de savon inspire les artistes les plus fameux de l’époque, qu’ils soient peintres, graveurs, sculpteurs ou dessinateurs. Parmi eux on compte Jan Lievens (1607-1674), Agostino Carraci (1559-1602), François Duquesnoy (1597-1643), Josse Le Court (1627-1679) ou Jacques de Gheyn (1565-1629).
La postérité de ce memento mori comparant la vie de l’homme à une bulle de savon a perduré, se renouvelant de siècle en siècle, tant en peinture qu’en littérature. On pense aux tableaux de Chardin ou Manet et surtout à Baudelaire pour son poème L’Amour et le Crâne (Les Fleurs du Mal, 1857) :
« L’Amour est assis sur le crâne
De l’Humanité,
Et sur ce trône le profane,
Au rire effronté,
Souffle gaiement des bulles rondes
Qui montent dans l’air,
Comme pour rejoindre les mondes
Au fond de l’éther.
Le globe lumineux et frêle
Prend un grand essor,
Crève et crache son âme grêle
Comme un songe d’or.
J’entends le crâne à chaque bulle
Prier et gémir :
-« Ce jeu féroce et ridicule,
Quand doit-il finir ?
Car ce que ta bouche cruelle
Éparpille en l’air,
Monstre assassin, c’est ma cervelle,
Mon sang et ma chair ! ».